Quid de l’éducation à la sexualité pour les jeunes aveugles et malvoyants.

Retranscription de l’article paru dans le LUMEN magazine

Une éducation à la sexualité inégale, des contenus et des supports pédagogiques inexistants… Le constat est clair, il n’existe pas en France de ressources pour éduquer correctement les jeunes aveugles et malvoyants dans leur découverte de la sexualité. C’est ce qui ressort des résultats de la très longue enquête menée par Laetitia Castillan, chercheuse en psychologie et Caroline Chabaud-Morin, directrice de la maison d’édition Mes mains en Or.
Pour faire changer les choses, l’idée est donc, avant tout, de se saisir du sujet et de proposer des outils à visée pédagogique destinés aux jeunes et aux professionnels qui les accompagnent.

Pourquoi avoir décidé de traiter ce sujet si sensible ?
Lors d’une rencontre avec Caroline Chabaud-Morin, directrice de la maison d’édition spécialisée Mes mains en or, nous avons parlé de la sexualité des jeunes aveugles. Caroline a sa propre fille déficiente visuelle qui entre dans l’adolescence avec toutes les questions que cela implique. Et malgré une littérature aujourd’hui assez riche sur l’éducation à la sexualité, il n’y a rien d’adapté aux non-voyants. Autre constat, selon l’Article L312-16 du Code de l’Éducation : « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes ». Or en interrogeant les professionnels lors de notre enquête, il s’est avéré que nous en étions très loin.

Dans le cadre de votre enquête, vous avez interrogé des professionnels de la déficience visuelle exerçant au sein d’un Établissement et Services Médico-Sociaux (ESMS) ainsi que de jeunes adultes en situation de handicap visuel. Quels sont les premiers constats ?
Suite à notre rencontre avec les professionnels, nous avons mis en évidence, une prise en charge institutionnelle mal définie et hétérogène. Nous étions face à des personnes volontaires qui évoquent des besoins de formation et de matériels adaptés. Il a aussi été question du rôle des familles dans cet accompagnement. L’enquête à destination des adultes non et malvoyants a, quant à elle, mis en lumière  des points concordants avec les réponses des professionnels. Notamment sur l’inégalité et une hétérogénéité dans les accompagnements à la vie sexuelle et affective. Nous avons constaté une réelle volonté d’inclusion de la part des jeunes, mais avec besoin d’accompagnement spécialisé et surtout de grandes difficultés voire une impossibilité à accéder à des contenus sur ce sujet. Enfin, nous avons clairement établi que les personnes aveugles et malvoyantes étaient beaucoup plus vulnérables vis-à-vis des violences sexuelles en raison de leur méconnaissance du sujet.

Au vu des résultats de cette enquête, quelles sont vos préconisations ?
En premier lieu, les institutions et les ESMS doivent impérativement se saisir de ces questions, la loi les y oblige. Il est donc fondamental d’établir un projet d’établissement clair et connu de tous précisant le cadre des interventions relatives à l’éducation à la sexualité et à la vie affective. Les personnes ressources devront être formées et disposer de moyens pédagogiques adaptés. En ce qui concerne les jeunes, il nous semble indispensable de réaliser des actions de sensibilisation sur la thématique de la sexualité. Outre l’aspect éducatif, ces sensibilisations pourraient permettre d’identifier de potentielles victimes de violences sexuelles. Il serait utile aussi de diffuser à l’ensemble des personnes accompagnées (tout âge confondu) une courte liste des associations ressources sur le territoire concerné (p. ex. planning familial). L’objectif, ici, est de permettre le recours à une personne hors de l’ESMS.

Et concrètement, qu’allez-vous proposer pour pallier ces manques ?
Nous souhaitons co-construire avec les différents protagonistes, des outils utiles et accessibles. Nous avons l’intention de proposer plusieurs kits, notamment sur les menstruations. Il s’agit d’un sujet très intime et qui a besoin d’être développé. Comment met-on une protection hygiénique ? Quelles solutions existe-t-il sur
le marché ? Nous avons également imaginé la mise à disposition de mallettes de découverte de l’anatomie, dans lesquels les appareils génitaux seraient en relief. Enfin, dans un deuxième temps, nous allons proposer des formations adaptées aux professionnels, qui s’appuieront sur des outils pratiques et concrets. Tout cela sera réalisé en collaboration avec Mes mains en Or. En effet, cette association œuvre depuis dix ans dans le champ de l’édition adaptée de livres et d’outils pour des jeunes déficients visuels. Elle coordonne et développe des projets de co-conception en lien avec la lecture, la culture, l’éducation et les jeunes en situation de déficience visuelle. C’est donc le partenaire idéal !

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